Courtois, ou contraint de l’être, et enclin à quelques sévérité envers soi, il est impossible de publier tel quel tout ce qu’on a pu recueillir au jour le jour, dans de petits carnets toujours dans la poche, où ont fini par s’entasser, après plusieurs lustres, propos, anecdotes, indiscrétions, choses vues, souvenirs, aveux, aphorismes ou notations qui, pour devenir aphorismes, n’attendaient qu’un peu plus de rigueur dans le style. Il s’agit de trier, de faire un choix et parfois de polir. C’est ainsi qu’en ordonnant tant bien que mal ce que la nature des choses avait fait naître dans le désordre, avec le souci d’éliminer à la fois l’inopportun et l’indésirable, j’ai vu le présent ouvrage s’organiser librement autour d’un petit nombre de thèmes. Donc, tout ici n’est pas dit, ni ne pouvait l’être, mais ce qu’on a consenti de livrer, du moins ne porte-t-il pas de masque (si ce n’est quelque initiale ou un pronom personnel ne renvoyant à personne) : je veux bien que ce soit le comble du déguisement. Si j’ose enfin faire paraître ces pages, c’est qu’à défaut d’une oeuvre qui justifiât l’intérêt de seconde main qu’on y pourrait prendre, je les tiens pour la première manifestation de cette oeuvre même, sachant que je n’écrirai rien qui le soit sous une autre forme, par la raison que des notes au gré de ma fantaisie sont la façon de m’exprimer la plus naturelle et qu’il n’y a d’autre devoir, ou mieux d’autre bonheur pour un écrivain, que faire simplement ce pour quoi il se sent fait. Peu de lecteurs s’affectionnent à cette sorte d’ouvrage : j’appartiens à ces lecteurs-là. Rêverais-je meilleurs ? M. C.
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